LA POÉSIE ET MOI

Miguel Oscar Menassa

 

AUJOURD'HUI J'AVOUERAI TOUT

Je suis né dans un quartier.
"J'ai grandi sur ses trottoirs
un jour j'ai pris mon envol
en rêvant de triompher".
Aujourd'hui je ne peux revenir
ni pauvre ni vaincu.

J'ai sur mon bureau
quelques photos
des papiers et des poèmes
mon sort est jeté.

Je jouais plus ou moins aux jeux
je gagnais avec certains
je perdais avec certains.
Je n'ai jamais grimpé à aucun arbre
la balançoire me donnait le vertige
et le tobogan
je jouais bien à tu l'as
à cache-cache et à la marelle
je jouais avec les filles.
Elles me touchaient toujours
et parfois je les touchais.

Chaque fois que j'ouvrais les yeux
je me rendais compte que pour moi
il n'y avait pas d'avenir.

J'étais trop maigre
je regardais toujours en face
et je souriais.

Puis est venu le billard.
J'appuyais ma main sur le tapis vert
fermement
comme avec les femmes
sans contemplations.
Je laissais le cigare me brûler la bouche
je faisais le distrait
et je regardais les rivaux.
Ma manière de marcher était sublime
je gagnais presque toujours.
Quand je jouais au billard j'étais irrésistible.

Je fumais et je rêvais
toute la journée
à une vieille riche
je voulais connaître la mer
j'aurais donné ma vie
pour un jour à la mer.

Je me souviens de tout en plein soleil
le soleil dans les oreilles
dans la chemise
sous les bras
entre les jambes
les pieds plein de soleil.

Une femme m'a dit gamin
et m'a mouché.

Ensuite ils ne m'ont pas cru
ils voulaient voir les preuves.

J'ai sur mon bureau
quelques photographies
une machine à écrire
la lampe votive
des papiers et des poèmes
les dés sont jetés.

Le tango je le dansais plus ou moins
avec quelques femmes je pouvais
avec quelques femmes je ne pouvais pas.
Mais j'avais un regard
une tristesse dans le regard
et j'écrivais des poèmes.

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