LA POÉSIE ET MOI

Miguel Oscar Menassa

 

                              Cette année je veux commencer l'année
                              en trinquant et non en écrivant
                              61 comme toutes les années antérieures.

Je trinque à la révolution
parce que je suis né dans son temps
et puisque c'est le temps de la furie
je trinque à l'amour de la révolution
et dans cet amour
je bois le sang et,
je bois, aussi, la poésie de la révolution.

Je lève ma coupe comme un étendard
pour trinquer à la femme
parce qu'Elle, elle est
de la révolution
la poésie.

Je trinque à l'homme que je ne pourrai pas être.

Je jette le contenu de ma coupe
sur la terre
et je trinque avec les morts.

Dans ma coupe vide pénètrent
les esprits moqueurs
et poétiques de la nuit,
et je les bois
non seulement pour me divertir
mais aussi,
pour trinquer contre la mort.

Obscurité pour les lumières
qui fuient de mon corps
violence d'oeillets enfiévrés.

Je m'arrête dans le regard des amis
pour remplir ma coupe avec ce vers.
J'arrache de l'épaisseur du matin
de palpitantes strophes.

Je laisse tomber sur mon corps
versant illuminé,
des liqueurs et des rêves.

J'enduis mon corps de baves parfumées,
poudres humidifiées par les pleurs,
odeurs d'une révolution assassinée
et je trinque à ma Patrie.

Dans la tentative
d'universaliser mon chant
je mets sur mon corps
les soies du couchant
terrien sans mesure
parole brisée
être écartelé
vers l'espace
je trinque à moi-même.

Délicat et fugace
je me brise dans tes entrailles,
comme le cristal du temps
comme le cristal qui sonne
dans la gorge cosmique
chanson de l'Univers.

Je fais des échardes une fleur,
je laisse les plus petits,
rompre la fleur entre leurs mains
et lancer au vent
les parties les plus belles de la fleur.

Chevalier de la poésie
je monte à nu
à l'indienne
une jument ailée.

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