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Avril 1982
LA
MORT M'ACCOMPAGNE
Je suis
un misérable ver de terre qui essaie
de s'arracher la peau
alors que sa peau
c'est lui-même.
Fatigué
de me plonger vers l'intérieur.
Immobile.
Attrapé par le manque de ciel
de tant plonger, vers le bas.
Les
vêtements usés par les fouilles
la vue aveuglée par la poussière marine
et les circonstances.
Je sais
que d'autres injustices
sont tombées sur mes yeux
pour les aveugler en mon absence.
Les yeux
usés de ne pas voir
les mains attachées dans le dos
par les dictatures.
Habitant du sud
j'ai les jambes coupées par les démocraties.
Je
m'assiérai donc dans un bar du centre de Madrid
et j'attendrai que tout se détruise.
Ensuite je choisirai parmi les décombres
les pierres fondamentales de mes vers.
Je
commencerai par dire: Je suis le Poète.
L'Europe
devra mourir entre mes bras
entre les sons
de mes petites griffes latines.
Seul
avec la mort
sur la plaine nacrée
je suis le cavalier mort qui galope et
l'impact fatal sur le cavalier.
Je suis
le cheval noir qui galope
et la mer ouverte
aux latitudes de la folie
à l' inconnu.
Je suis
le vertige des paroles
qui ne m'appartiendront jamais
et elle, celle qui m'accompagne
la mort.
Que
veulent-ils de nous?
Moi je
suis un misérable ver de terre
et elle, ma bave.
Arpège
note laissée de côté
et elle, un territoire
où seule la mort fait l'amour.
Je suis
un artiste
un homme avec des sentiments
faibles
interchangeables
soif de ce qui est différent
et elle, elle est l'art
qui se sachant supérieur
est indifférent à tout.
Parfois nous allons dans la ville
comme si Elle et moi
nous étions le monde.
Vous vous rendez compte
quelle férocité élimée
quel regard aveugle.
Elle,elle
m'achète des pommes
et moi je les mange
comme si Elle était ma mère.
Vous vous rendez compte
quelle sagacité
quelle brume.
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