LA POÉSIE ET MOI

Miguel Oscar Menassa

 

JE SUIS JE M'EN RENDS COMPTE

Je suis je m'en rends compte
un nageur mort de froid.
Ce qui m'arrive c'est l'amour.
C'est aussi la nostalgie
de mon pays, de mon quartier
les glycines
autour de son cou
comme si son cou
était le cou d'une reine
et nous passions
de balcon en balcon
et fous nous nous embrassions
et dans chaque saut
nous ressemblions aux oiseaux.

Puis nous avons été les tympans éternels
puis nous avons toujours voyagé en solitude.

Gigantesques
et glacés
tympans solitaires
nous avons voyagé contre tout.

Compter les coups
nous disaient-ils
compter les chutes
il ne doit pas en avoir plus de mille
et dès lors
la poésie
demande la liberté et non
une liberté mesurée
par les drapeaux.
La poésie demande
une liberté superbe
tout le temps
toute la merveille
de l'inconnu
dans cette liberté.

Non la liberté des statues.
Une liberté
qui détruit toutes les statues.

La poésie désire dans cette liberté
être matérielle présence de l'humain.

Elle crie furieuse entre les pierres
ou tous ou aucun. Gorge universelle.

Tant que sur la terre
quelqu'un ne peut pas l'homme
il n'y aura pas d'homme.

Frissonnant
et entre le frisson est ma vie
et je termine par pleurer, fou
parce que je n'en peux plus
et j'arrache de la misère
une grandeur:

Le désir fervent d'être

cette liberté
cet homme.

Bestiale
libre aussi de liberté
elle
me fait savoir que je ne pourrai pas.

Mon malheur
n'est pas son agrément
mais sa douleur non plus.
Sa liberté est infinie.
Plus qu'une danse
pour être dansée par tous
une danse
qui est de tous
le mouvement le plus précis.

Je voyage
sans retour apparent.
Je suis la Poésie.

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